Genève s’est dotée d’une nouvelle plage publique, la Plage des Eaux-VIves et d’un nouveau port de plus de 400 places. En parallèle, la Société Nautique de Genève a également réalisé d’importants travaux d’agrandissement. L’ensemble de ces nouvelles infrastructures témoigne du lien indissociable qui unit Genève au lac et de la nécessité impérieuse de toujours mieux intégrer la nature dans la ville.

Le Lac de Genève! L’appellation qui fait bondir les riverains vaudois, valaisans et français est pourtant la plus usitée au niveau international où l’on parle du Léman en disant Lake Geneva ou Genfersee. Ce nom témoigne à lui seul du lien viscéral qu’entretient la ville avec «son» lac. Elle s’y pose, l’embrasse, l’exploite, le traverse et le navigue depuis toujours. Plusieurs ports naissent ici et là au cours des siècles afin de répondre aux besoins commerciaux et touristiques, ainsi qu’à la passion grandissante des Genevois pour la navigation sportive ou de plaisance. La construction des quais et des ponts renforce le dialogue entre la ville et l’eau. Avec le développement industriel de la cité, le lien avec le lac et le Rhône se renforce; l’usine hydraulique de la Coulouvrenière et le premier jet d’eau naissent en 1886. Celui-ci sera déplacé deux fois avant de trouver sa place au bout de la jetée des Eaux-Vives et devenir l’emblème absolu de Genève. Espaces de détente et de promenade privilégiés, les quais se transforment aussi en lieu de baignade lors de l’aménagement des Bains des Pâquis (1872), de la Plage des Eaux-Vives (1916) et de Genève-Plage (1932). Aujourd’hui, une nouvelle étape historique est franchie avec la création de trois ouvrages majeurs qui transforment complètement la Rive gauche. Par étapes, les Genevois ont découvert depuis l’été 2019 la nouvelle Plage des Eaux-Vives ainsi que la nouvelle jetée du Port-Noir qui comprend la Maison de la Pêche, la plateforme des dériveurs, ainsi qu’un nouveau restaurant. Dans le prolongement, la Société Nautique de Genève (SNG) a, elle aussi, réalisé un vaste agrandissement de son site ajoutant 400 places d’amarrage à son port, un nouveau bâtiment des sports et un vaste espace technique doté d’une grue d’une capacité de 32 tonnes.

PLACE À LA NATURE

Le besoin d’une nouvelle plage se fait sentir depuis longtemps et les premiers projets sont esquissés au début des années 2000 déjà. Plusieurs variantes et améliorations sont nécessaires avant de pouvoir démarrer la réalisation.

Le projet final dessine un nouveau bras de terre qui, partant peu après Baby-Plage, s’introduit dans le lac. Long de 400 mètres et large de 50, ce nouvel espace gagné sur le lac offre deux hectares de nature supplémentaire au cœur de la ville. L’axe n’est pas perpendiculaire au quai, mais incliné d’environ 30 degrés. Plusieurs secteurs de plage sont aménagés côté lac, alors qu’une roselière et divers aménagements naturels sont réalisés coté quai. Cette zone protégée permettra à la faune et à la flore de se développer librement et de venir enrichir la biodiversité.

Les travaux débutent en juillet 2017. Ils sont pilotés par le bureau d’ingénieurs civils edms sa et réalisés en consortium par Induni, Scrasa et Kibag en ce qui concerne la plage et par Orlatti pour le projet de la SNG.

Après les travaux préparatoires, il s’agit de définir le périmètre de la nouvelle Plage des Eaux-Vives grâce à un rideau de palplanches. Il faut ensuite pomper l’eau pour progressivement assécher la surface et remblayer l’ensemble. Au total, ce sont 2600 m de palplanches et quelque 120 000 m3 de terres qui sont déversées ici pour réaliser un volume de remblai en place de 85 000 m3. Au pic de l’activité, la cadence est de 90 camions/jour. Les terres proviennent essentiellement des terrassements de chantiers genevois réalisés par les entreprises du consortium. La nature des terres amenées sur le site est préalablement soumise à un contrôle rigoureux; seule la Moraine 7C est acceptée. Les palplanches côté lac restent en place et sont profondes de 14 mètres, dont 8 fichées dans le sol. Côté quai, elles sont moins profondes et sont retirées une fois les matériaux mis en place.

Quatre épis définissent les divers secteurs de la plage et protègent la berge de l’érosion. Au bout de chacun, une butte sous-marine faite d’enrochements et de granulats crée une protection supplémentaire. Les premiers secteurs sont réalisés en gravier alors que le dernier est habillé de sable. Entre la roselière et la berge, la plus grande partie de la nouvelle plage est une grande surface de gazon. Un dallage de béton large de 4,80 mètres la parcourt de bout en bout. Des éléments d’éclairage, du mobilier urbain, des toilettes et des locaux techniques ponctuent ce vaste espace ouvert au public. Un système d’arrosage est également mis en place, requérant la réalisation d’importants travaux de réseaux.

LIGNE DE FLOTTAISON

Au bout de la Plage des Eaux-VIves, le nouveau Port-Noir marque une ligne de séparation entre les zones de baignade et les espaces réservés à la navigation. Il se compose d’une plateforme de 1600 m2, dédiée à la voile légère, ainsi que de trois estacades flottantes de 140 mètres de long principalement pour des voiliers à fort tirant d’eau. Le port, ouvert aux ayants droit depuis le 15 juin 2020, permet d’accueillir 184 places à terre et 253 places à l’eau, dont 12 pour les visiteurs.

Ce nouveau port public est un ouvrage exemplaire en matière d’environnement. Les estacades et places visiteurs, toutes flottantes, permettent de favoriser la croissance des végétaux essentiels au développement de la faune lacustre. La plateforme en caillebotis laisse passer la lumière pour favoriser le renouvellement du plan d’eau. Un réseau de pieux foncés supporte les équipements. Au bout de la plateforme, un nouveau restaurant s’apprête à offrir un accueil d’exception sur le lac.

Le développement du nouveau Port-Noir permet de répondre à des objectifs intrinsèques à la valorisation et au réaménagement de la rade grâce au déplacement des dériveurs, auparavant installés sur les quais marchands piétons, et à celui des bateaux situés en aval du jet d’eau, qui peuvent désormais profiter de conditions de manœuvre et d’amarrage plus optimales, d’eau potable et de l’électricité.

Au début de la passerelle qui mène au nouveau Port-Noir puis à la Plage, la Maison de la Pêche sera accessible dès l’hiver prochain pour accueillir les pêcheurs professionnels dans des conditions plus propices à leurs activités que celles des cabanes et de leurs équipements actuels.

Au large, un rideau de palplanches est mis en place pour créer la digue ouest, qui marque l’entrée dans le port et se dote d’un brise-vagues qui sert de protection supplémentaire.

Travailler au cœur du lac constitue un contexte particulier. La beauté du site est perceptible durant toute la durée des travaux, la nature est omniprésente. Un cygne qui nidifie sur une zone remblayée depuis peu, des poissons à repêcher au fond de la ceinture de palplanches, la découverte de traces archéologiques d’un village lacustre datant de l’âge de bronze ou la rudesse des périodes de forte bise sont autant de moments forts qui ont marqué le chantier.

La Plage des Eaux-VIves a été ouverte partiellement au public en juin 2019 puis fermée pour une grande phase de finition, puis ouverte officiellement le 22 août 2020.

ESPRIT NAUTIQUE

Parallèlement aux travaux de la Plage des Eaux-VIves menés par le Canton, la Société Nautique de Genève  a aussi réalisé un agrandissement historique de son port et de ses équipements. Avec ses 400 places supplémentaires, totalisant ainsi 1000 places d’amarrage, le port de la SNG s’étend désormais sur une surface de près de 10 hectares. En complément de l’extension du port, la SNG a également modernisé ses infrastructures, avec la construction d’un nouveau bâtiment des sports de 1200 m2. Un ouvrage moderne et durable, doté entre autres d’une salle de sports dernier cri, de panneaux photovoltaïques, ainsi que d’une nouvelle esplanade avec des espaces techniques flambant neufs, dont une grue d’une capacité de 32 tonnes. Rolex a offert l’horloge et la station météorologique qui donnent une touche de luxe supplémentaire à la façade.

Une nouvelle jetée a été construite au nord. Large de 35 mètres, elle s’avance de 180 mètres dans les eaux du lac et s’élève de 1,60 mètre au-dessus du niveau haut des eaux. Son emprise importante et son orientation participent grandement à protéger le port et la plage contre la bise. Deux nouvelles digues, côté ouest, dessinent une enceinte sûre.

Le chantier présente de nombreux défis, tant du point de vue logistique (club et installations maintenus en fonction durant toute la durée du chantier, accès restreint depuis le quai, travaux depuis une barge, recours à un hélicoptère pour le bétonnage des digues, travaux en plongée à l’aveugle, etc.). Malgré la complexité et le caractère unique des ouvrages, ainsi que les contraintes supplémentaires liées à la crise sanitaire, l’ensemble des travaux a été finalisé avec plusieurs mois d’avance sur le planning initial. (www.chantiersmagazine.ch)